Des dates, des hommes et des découvertes au service de la photographie - Démonstration de procédés et conférence
L'histoire de la photographie s'instaure probablement dès l'apparition de l'homme à la vision d'un étrange phénomène. C'est dans les écrits d'Aristote (340av JC) que l'on trouve trace de ce phénomène où une image renversée est parfois visible sur le fond des Spéos (chambres funéraires). Il faudra attendre les années 1100 pour que ces écrits soient traduits et 1515 pour que le génie italien Léonardo De VINCI conçoive la machine à dessiner. Cependant, l'outil sera véritablement fonctionnel en 1546 lorsque l'inventeur du cardan, Girolamo CARDANO ajoute une lentille rendant ainsi une image projetée bien plus visible. Le père de la camera obscura est souvent mentionné être Giovanni Battista DELLA PORTA. En fait Giovanni est celui qui l'a popularisée aux travers d'expériences en public et de livres (La magie naturelle - 1558).
Bien que la lune cornée a servit à la coloration des habitats, Georges FABRICIUS découvre la photosensibilité du chlorure d'argent en 1566 tout comme Johann HEINRICH SCHULZE en 1727. Les savants de l'époque tel l'apothicaire Carl Wilhelm SCHEELE ou encore le bibliothécaire SENEBIER en souligne la sensibilité particulière aux rayons bleus. C'est grâce aux sels d'argent que les savants découvriront des rayons invisibles, les ultraviolets.
Dès lors, les scientifiques comme Humphry DAVY, James WATT ou encore l'inventeur de la montgolfière à gaz (avec de l'hydrogène, svp), Jacques Alexandre CHARLES (1780) tentèrent de sauvegarder les images de la chambre obscure. Si le papier imprégné d'azotate d'argent permet de garder, le temps d'un instant, des photogrammes de vitraux ou des silhouettes très en vogue au XVIIIe, il s'avère impossible d'obtenir une image papier de la camera obscura.
Un savant au service de la nation C'est en 1787, à l'école des Oratoriens à Angers qu'un jeune homme baptisé Joseph NIEPCE (1765-1833) originaire de Saône et Loire et souvent épié pour ses jeux d'ombres chinoises se prénomme Nicéphore en faisant référence à Saint Nicéphore - celui qui rendit à l'époque iconoclaste le droit à l'icône et donc de l'image. NIEPCE gardera ce prénom toute sa vie tout en ne sachant pas qu'il sera l'inventeur de la photographie. Après enrôlement, Nicéphore démissionne de l'armée révolutionnaire suite à une maladie de l'œil (1794) et devint chercheur. Avec son frère Claude, ils inventent le premier moteur à combustion interne fonctionnant avec des lycopodes puis de l'huile de pétrole blanche (1816) qui sera breveté par Napoléon en 1807. Ils construiront un vaisseau qui remontera la Saône de Lyon à Chalon-sur-Saône. C'est l'après révolution. Nicéphore Niepce répond à de nombreux concours d'État en mettant au point des procédés d'extraction ; fécule de giraumont, fibres de l'Asclépias, sucre de betterave ou encore bleu de pastel. Mais en 1812, l'empire s'effondre et l'embargo avec l'Angleterre est levé. Ses découvertes deviennent inutiles. C'est alors qu'en 1816, Claude s'exile en Angleterre en espérant vendre le Pyréolophore alors que Nicéphore s'oriente vers d'autres recherches.
Bien que breveté en 1802 par le compositeur Aloys SENEFELDER, la lithographie parvient en France vers 1815. Si SENEFELDER banni les graveurs pour un seul dessinateur, Niépce songe à remplacer le dessinateur par la lumière. Niépce construit une camera obscura (1816) qu'il casse par mégarde. En dépits, il récupère le baguier de son fils qu'il adapte et obtient ainsi les premières images négatives au chlorure d'argent uniquement à la petitesse de cette chambre. Pour obtenir des images positives, il essaie des produits sombres en espérant voir leur décoloration à la lumière. Cependant, s'il obtient des photogrammes, il ne parvient pas à obtenir des négatifs et ces derniers ne sont pas fixés. En 1817, il utilise les résines et le bitume de Judée. La première image fixée de par un changement de propriété date de 1818. Avec son principe, il effectue une copie du pape Pie VII sur pierre lithographique en 1822. Son procédé sera éprouvé en imprimerie et donnera naissance à l'héliogravure qui restera longtemps le procédé d'impression photographique. Nicéphore NIEPCE adapte son procédé à la camera obscura et insiste jusqu'a l'obtention d'une image après 40h d'expo soit 5 jours de pose. L'image la plus ancienne témoignant cette découverte est négative et se trouve stockée sous coffre à Austin (USA). Ce point de vue de la fenêtre semble dater de 1824. En 1828, il réussit à inverser l'image grâce à l'emploi de vapeur d'iode. Il nomme son procédé complet héliographie, l'écriture par le soleil.
Riche artiste peintre de décors de théâtre et excellent danseur, Louis Jacques Mandé DAGUERRE (1787-1851) se passionne pour la camera obscura. Utilisé pour visualiser les effets de lumière implantés dans son Diorama (théâtre - 1822), il tente vainement de fixer les images de la chambres à dessiner. Il s'appuie pour cela sur les fluides électriques et les produits phosphorescents. A Paris, un certain vent annonce des innovations en Province. Ainsi, mis en relation par l'opticien CHEVALIER, DAGUERRE recherche à joindre Nicéphore NIEPCE. Quelques années plus tard et espérant une nouvelle camera, Nicéphore accepte l'idée d'une association (1929). Par lettres codés, les deux hommes correspondent et cherchent à améliorer l'héliographie. Ils inventent ainsi, le physautotype (1932), un nouveau procédé direct qui ne demande que 8h de pose. En 1833, Nicéphore NIEPCE meurt. Daguerre poursuit seul les recherches car n'ayant pas la technicité de son père, Isidore est bien incapable de poursuivre l'association.
La daguerréotypomanie et progrès Grâce à la marque délaissée par une cuillère sur une plaque d'argent iodée, DAGUERRE découvre la grande sensibilité de l'iodure d'argent et abandonne le bitume de Judée. En 1837, DAGUERRE réussit un procédé photographique à base d'argent, d'iode et de mercure qu'il arrive à stabiliser avec du sel. Le temps de pose est de 30min, ce qui est inconcevable pour la photo de portrait qu'il affectionne. Mais, suite à un accident, son Diorama brûle ce qui le précipite à revendiquer aux académiciens sa découverte début 1839. Le 19 août 1839, l'héliographie, le hysautotype et le daguerréotype sont révélés. Après quelques procédures judiciaires, l'état versera une rente viagère de 6000ff pour DAGUERRE et de 4000ff pour le fils de Nicéphore NIEPCE. Le lendemain, c'est la panique. Les opticiens et les drogueries sont assiégés. Mais, peu de monde réussit à obtenir une image au point de mettre en doute le savant. Ce dernier effectuera une séance de démonstration pour démontrer son procédé. C'est l'ère de la daguerréotypomanie....
En 1842, l'astronome John HERSCHELL brevette le procédé cyanotype donnant le premier livre d'Anna ATKINS avec des photogrammes. John trouve aussi le fixateur de l'argent, le thiosulfate de sodium. Depuis cette date, les images de la chambre obscure seront fixées. En 1841, Jean CLAUDET découvre les substances accélératrices, Hippolyte FIZEAU réussit à remplacer l'argent par l'or en procédant le premier virage de l'histoire. L'image daguerrienne ne miroite plus et s'obtient avec des temps de pose de l'ordre de 10min. Le portrait est appréhendé, en plein soleil, avec des coinces têtes. Ce sera l'époque des portraits exquis que la presse ne manquera pas de caricaturer.
Bon nombre de savants et de passionnés se tentèrent à la quête de la photographie. Des écrits mentionneraient qu'un inconnu de la rue du Bac aurait trouvé un procédé papier dès 1825. Voulant acquérir une camera bscura, l'inconnu serait passé chez l'opticien Charles CHEVALIER qui aurait vu une épreuve. Mais n'ayant pas d'argent pour acheter une camera obscura, l'homme reparti... Dans les mêmes années, un français travaillant au Brésil, Hercule FLORENCE, a développé un procédé photographique. Si la description a fait la une des journaux locaux, il n'y a eut aucun échos en Europe. Entre janvier et l'annonce du procédé en août 1839, de nombreux scientifiques se sont remis à la quête de la photographie. Le secrétaire français des finances, Hippolyte BAYARD (1801-1887) réussit à mettre au point un procédé papier positif direct en deux mois. Pour doubler DAGUERRE, Hippolyte BAYARD fit la première exposition photographique le 24 juin 1839. Malgré cela, le secrétaire de l'académie des sciences ARAGO préféra arranger son ami DAGUERRE et le procédé n'eut pas d'échos. Pour répondre à cette indifférence, BAYARD fit le premier autoportrait de l'histoire en tant qu'homme noyé d'autant plus que le procédé exigeait 30min à 2h de pose. Sans oublié Nicéphore NIEPCE qui fut rarement mentionné dans les livres et même les livres d'histoire de la photographie. Sans lui, DAGUERRE n'aurait jamais utilisé l'iode et les plaques d'argent, éléments essentiels de son procédé. Sommes-nous reconnaissants? A la mort de DAGUERRE, ce sont les photographes américains qui ont porté un brassard noir durant un mois et qui ont payé la statue que nous pouvons voir non loin de Paris.
Le scientifique anglais Henri Fox Talbot (1800-1877) invente en 1842 un procédé qu'il nomme calotype qui permet l'obtention d'un négatif sur papier qui ansparisé peut donner un positif par contact. Cela permettra l'obtention du premier livre photographique prise à la camera obscura "The pencil of Nature" en 1844. Gardé secret, c'est un élève de TALBOT, Louis Désiré BLANQUART-EVRART qui en dévoile en 1847 le procédé en France.
Non plus que des techniciens mais aussi des artistes expérimentent la photographie. Le peintre, Gustave LEGRAY (1820-1884) fut l'un d'eux. LEGRAY apporta de nombreuses améliorations avec un procédé où le papier était ciré avant exposition. Il excelle dans l'usage du double négatif (1851) et ses images, si bien conservées, sont les plus chères au monde... Suite au livre de Maupassant "Itinéraire de Paris à Jérusalem" et au développement du transport maritime, les photographes font le "grand tour" (France, Maghreb, Egypte, Jérusalem, Grèce et Italie qui donna plus tard le mot "tourisme") pour ramener des images. Bien que la lumière de ces pays du Moyent-Orient permet des temps de pose de moitié, il fallait s'accommoder des kg de matériel. Certains achètent un esclave ou un âne, Gérard de Nerval (1808-1855). "J’ai eu quelques peine à m’installer avec 1100kg de bagages" écrit Félix Jacques Antoine MOULIN en 1856. Le traitement de l'image se pratiquait souvent dans une tente labo, un temple ou au mieux dans un chariot (Francis FRITH - 1859). Si le chlorure d'argent était d'usage courant (collyre), l'eau pure était une quête qu'aucun photographe ne pouvait se passer. Pour s'en procurer, Maxime du Camp utilisa un alambic alors qu'Auguste BARTHOLDI attendit le vapeur (train) et qu'Henry de CAMMAS se résigna parfois à purifier l'eau avec de vulgaires lentilles d'eau (1860).
A la recherche de l'inaccessible Pour ramener des épreuves des intérieurs des temples, Félix TEYNARD exposait en 1851 ses calotypes plusieurs heures, Eugène Méhédin choisit de construire un réflecteur de 25m2 (1860) pour tenter d'apporter de la lumière alors que Alfred BROTHERS produit de la lumière avec un fil de magnésium (1864) sachant bien qu'il fallait attendre 1 à 2 jours pour l'évacuation de la fumée générée. De plus, les procédés de tirage ne permettaient pas d'agrandissement et le photographe devait se contraindre à utiliser une chambre taillée pour le tirage finale. En 1852, Maxime Le CAMP faisait du calotype 17x22cm, Felix TEYNARD du 24x30cm (1852). Avec l'avancé technologique, les formats augmentent. Francis FRITH utilisa une chambre 30x40cm (1860) et Béato Antonino une camera 40x50cm (1880) jusqu'à une taille record d'appareil photo de 3x2m (format mammut - 1902). A la demande de la reine Victoria, Roger Fenton (1819–1869) fut le premier reporter de l'histoire (1852-1862). Il avait ordre d'illustrer la guerre de Crimée sans les massacres. Après avoir essuyé plusieurs tirs due à la visibilité de son chariot/labo rouge, il ramena des images d'officiers et de paysages vides.
C'est en 1847, grâce au lieutenant de cavalerie et petit cousin de Niépce, qu'Abel NIEPCE de SAINT VICTOR découvrit le moyen de faire un négatif sur verre avec l'emploi d'un liant, l'albumine. L'image est d'une grande définition mais d'une certaine lenteur. Louis Désiré BLANQUART-EVRARD en reprendra le principe pour l'appliquer au tirage. Le procédé connaîtra un réel succès de par son aspect brillant. En 1851, le sculpteur anglais Frédéric Scott Archer (1813-1857) remplace l’albumine par le collodion et obtint ainsi un procédé extrêmement sensible à condition de l'utiliser à l'état frais. C'est le procédé du collodion humide. Dès lors la taille des chambres augmente pour des format de 40x50cm et l'humain rentre dans l'image grâce à des temps de pose de l'ordre d'une dizaine de secondes. En appliquant un vernis noir sous l'émulsion, le collodion humide se décline en différents procédés nommé selon le support utilisé, l'ambrotypie pour le verre (1851), la ferrotypie pour le métal (1852). Les images résultantes sont sombres mais directement positives. C'est alors le début de la photo itinérante, de la photographie de rue et du portrait photographique. Les ateliers NADAR (de Félix TOURNACHON 1820-1910) se multiplient et proposent d'imager votre portrait sans à avoir recours à un support de tête ou un repose bras. Adolphe André DISDERI rentabilise le portrait en employant une chambre multi objectifs. C'est la photomosaïque (1854) et l'uniformisation des formats dit "carte de visite", 63x95mm ou "cabinet" 105x150mm et le début de la "carte de visite" postale devenue plus tard la carte postale. En 1871, Richard MADDOX utilise la gélatine comme liant et rend ainsi la plaque vierge conservable à l'état sec. Peu après, Charles BENNETT découvre par voie thermique le moyen d'augmenter la sensibilité des émulsions. C'est alors le commencement de l'histoire de l'obturateur et du posemètre sans oublier l'histoire de l'agrandisseur.
Au XIXe, les photographies se font que par contact. Si le principe de l'agrandissement est décrit, il n'est pas utilisable. Les procédés, sans révélateurs, noircissent sous les ultraviolets. Or, les UV ne traversent pas les lentilles de nos agrandisseurs. C'est ainsi que les travaux de tirage s'opèrent sous verrière, dans des bâtiments parfois orientables mais exclusivement l'été. Le papier salé, albuminé ou au citrate sont d'usage. La mode du papier brillant (albuminé) institut la problématique des excédants jaunes d'œufs.
Suite à la création d'une émulsionneuse, l'américain Georges EASTMAN remplace le verre par un rouleau souple de celluloïd et fonde Kodak en 1888. Georges créé un appareil photo (Kodak n°1) capable de stocker 100 vues et le vend sous le slogan "Presser le bouton, nous faisons le reste". L'appareil est un succès et la culture de l'image se popularise à toute vitesse via l'apparition d'appareils bon marché.
Depuis 1848, Edmond BECQUEREL et Abel NIEPCE de SAINT VICTOR sont parvenu à obtenir des images couleur sur plaque d'argent. Mais, celles-ci étaient peu stables et pas toujours vraies. La photographie couleur a vu le jour en 1869 avec le pianiste Louis DUCOS du HAURON qui eut l'ingéniosité de superposer 3 négatifs RVB et procédé à des virages successifs par mordant pour apporter la couleur. Il ne faut oublier, le français Gabriel LIPPMAN qui en 1891 a mis au point un procédé direct interférentiel. Avant-gardiste pour l'heure puisqu'il a donné l'holographie en 1960, le procédé est trop compliqué pour être exploiter. C'est le procédé autochrome à base de fécule colorée de pomme de terre et breveté en 1906 par les pères du cinéma (Auguste et Louis LUMIÈRE) qui fut le premier procédé industrialisé et largement utilisé.
------------------------------------------ Photo avec Constantin Tanase © Sandrine Bacot Texte, photographies et ambrotype : © Vincent Martin (photomavi.com)
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