Minuteros et photographes de rue

 La photographie de rue d'une époque pas si lointaine - Stage/Démo/Conférence - Performance

 

 

 

Ce chapitre de la photographie est souvent méconnu alors qu'un grand nombre de photographies ont été réalisé à partir de ces chambres laboratoires. J'organise avec une chambre ayant appartenu à un photographe de métier (sur 3 générations) démonstrations, stages, conférences et pourquoi pas performances. La redécouverte de ces gestes historiques peuvent aussi faire l'objet d'un projet pédagogique/démonstratif.

 

 


 

 

Un métier, jadis!

J'avais vu cela dans différentes émissions télévisées ou à travers quelques ouvrages, les minuteros, ces fameux photographes qui jadis en notre pays pratiquaient le portrait de rue. Minuteros car il leurs fallait seulement quelques minutes pour tirer le portrait d'une personne. L'idée m'était restée en tête et je m'étais dit alors que j'irai bien les rencontrer avant que les nouvelles technologies fassent disparaitre cette particularité photographique. Aujourd'hui, nous pouvons encore en rencontrer dans certains pays, Portugal, Chili, Inde ou encore la Grèce et tant d'autres mais leur activité s'est réduite comme neige au soleil devant l'arrivée du téléphone photographique. Ma première rencontre fut en 2010 à Peneda au nord du Portugal. Le photographe semblait bien seul sur ce site relativement touristique. Pour moi, c'était une joie immense d'en rencontrer enfin un en action. Lui, semblait plus être disposé à regarder son porte-monnaie que de répondre à ma curiosité. Nous nous fîmes néanmoins tirer le portrait pour immortaliser ce moment. Pourtant la quête de ces photographes de rue avait réellement commencée en Roumanie en août 2004 où j'avais entrepris avec ma compagne d'aller à leur rencontre !!!

 

 

L'aventure d'une rencontre

Après quelques renseignements, j'avais pris connaissance que le grand parc de la capitale roumaine, le parc Cişmigiu était le lieu des promeneurs, des amoureux et des minuteros. Ainsi, après avoir découvert différentes régions de ce fabuleux pays habité par des personnes d'une gentillesse remarquable, l'objectif était donné. Nous avions réservé tout un dimanche pour l'occasion! Légers comme la lumière, nous déambulions dans le parc, observions les oiseaux, les jeunes amoureux, les enfants jouer. Alors que 15h sonnait, nous n'avions toujours pas vu un seul minutero même sur les lieux indiqués par les habitués. Ce jour-là, nous hébergions chez Cézar, un très bon ami roumain qui nous précisa malheureusement qu'il n'y en avait plus hormis peut-être pour le 15 août et certains jours fériés. Un peu surpris par la nouvelle, nous repartîmes le lendemain au parc tous ensemble. Parfaitement bilingue, Cézar appris qu'il en restait un dans la partie Est du Parc. Il ne fallait pas nous en dire plus pour changer d'allure!

 

Arrivés sur les lieux, nous vîmes un homme posé sur un banc, seul, accompagné d'un vieux Bambi usé jusqu'à la peau. Pas bavard ce brave homme ! Néanmoins après quelques échanges, c'était bien un ancien minutero. Malheureusement, suite à un accident de santé lui interdisant tout effort, il se trimballait depuis quelques années avec un réflexe. C'était moins lourd à porter et permettait d'offrir la couleur, en contre partie le client devait accepter de récupérer les tirages 3 jours plus tard. Par le biais de Cézar, je manifestai l'envie de voir la chambre authentique. Un rendez-vous est alors posé dans 4 jours! Yes!

 

Accompagné cette fois de notre guide de conversation, nous attendons sur le banc le photographe qui arriva et nous tendent les tirages couleurs couleurs. Il nous fait mine de de chercher notre voiture afin de l'emmener chez lui. Nous prime la voiture et le même trajet que la ligne de bus qu'il prenait habituellement soit le couloir réservé à contre sens des voiture. Je lui dis que c'est interdit mais il me rétorque que le bus passe. Bref, sans plan détaillée de ville et quelques craintes nous suivons les bus tout près des policiers qui leva le regard sans plus s'alerter! Ouf!

 

 

Tanase Constantín

C'est au huitième étage d'un immeuble que nous découvrons la chambre rouge. Dans une bonne ambiance et malgré notre pauvre vocabulaire, le photographe Constantin Tanase nous présenta sa chambre photographique. Il refit en notre présence tous les gestes comme s'il était au parc Cişmigiu ; la mise au point du sujet, la prise de vue avec l'obturateur au bouchon, le développement du négatif, la prise de vue du négatif pour en obtenir le positif. Nous percevons la dextérité des manipulations dans le volume exiguë de la boite et aussi le beauté du geste mille fois répété. Faut dire que Constantin est photographe de rue depuis trois générations de père en fils et à priori toujours au même endroit dans le parc roumain. Il fut même imagé sur une carte postale du parc! Il présenta aussi des masques afin de créer des cadres et des feutres bleus pour donner des teintes sur les visages (le papier n'étant pas sensible au rouge et peu à la couleur de la peau). Des infos et des discussions passionnantes avec beaucoup de rire entre nos langues improvisées et autant par nos incompréhensions.

 

 

Chambre laboratoire et mode opéatoire

Si il y a eut par le passé quelques exceptions européennes dont le célèbre Cartophote de Gilles Faller (1928), les chambres de rue sont toutes, depuis l'usage du papier gélatiné, de conception maison. La caractéristique de ces boites est d'accueillir un laboratoire à l'intérieur. Ainsi, elles sont constituées de la manière suivante : au centre, un appareil photo tel un folding démodé et récupéré, un support de papier avec un verre dépoli monté sur un axe mobile pour permettre la mise au point - sur le coté droit une petite boite pour stocker le papier vierge - au bas, un petit bac de révélateur et un tiroir (de fourneau) pour le fixateur - à l'arrière une large ouverture ronde prolongée par une manche de pantalon afin de passer le bras tout en préservant des entrées de lumière - sur le dessus, une petite fenêtre occultable munie d'un verre rouge et d'un masque occultable épousant parfaitement le haut de la tête du photographe afin de contrôler les opérations de développement - sur le devant extérieur, une simple planchette montée sur tige comme portoir de négatif et sur les côtés un joli miroir pour se faire beau avant le portrait et des portraits affichés pour se faire de la pub!

 

Vue de dessus

Intérieur avec support/dépoli pilotables, 2 bacs et une boite de papier vierge

 

Les utilisateurs de chambres photographiques retrouveront bons nombres d'étapes. Dans l'ordre - Préparer le laboratoire : garnir la chambre de papier vierge, remplir les bacs de révélateur et de fixateur - Créer le négatif : faire la mise au point et verrouiller la coulisse, remettre le bouchon, insérer un papier vierge dans son support, enlever le bouchon le temps de l'insolation (une ou deux secondes en plein soleil), placer le papier insolé dans le bain de révélateur, vérifier l'apparition de l'image en plaquant le visage sur le masque tout en ouvrant la fenêtre rouge, placer l'image dans le bain de fixateur puis tirer le tiroir pour voir le résultat, attendre les deux minutes de fixage et laver dans le sceau d'eau - Créer le positif : lever et bloquer le support devant l'objectif, placer le négatif sur le support (l'humidité permet de maintenir le papier en place), éventuellement placer un masque sur le négatif, mettre une feuille de papier vierge sur le dépoli, déplacer la coulisse jusqu'à la butée (mise au point automatique sur la planchette portant le négatif), exposer quelques secondes (3 à 10 selon conditions), placer le papier insolé dans le révélateur puis le fixateur, ouvrir le tiroir et admirer le positif sans oublier de le laver à l'eau claire.

 

Création du négatif

L'apparat minut en position pour créer le négatif

Création du positif

 

 

Histoire de la photographie de rue

La photographie de rue est apparue avec l'invention de procédés photographiques bons marchés suffisamment rapides pour capter un portrait. C'est peu après les années 1850 que la photographie itinérante s'est réellement développée. Le procédé du collodion humide apposé sur des plaques de zinc ou de fer permet d'obtenir avec un développement particulier et en quelques minutes un portrait positif. Ce procédé perdura longtemps compte tenu de son prix peu coûteux aussi bien avec le procédé du collodion humide remplacé par la suite par le gélatino-bromure sur plaque de métal. L'usage de plaque sèches à permis une certaine industrialisation. Ainsi, la société Chicago Ferrotype Co fondée par les frères Louis et Manuel Mandel en 1911 créa les premiers appareils laboratoires avec le fameux Mandel-ette. Néanmoins, c'est à partir des années 30 que le métier de minuteros connait un essor sans pareil grâce à l'usage du papier argentique plus facile à manipuler même si cela nécessite de créer un négatif puis un positif. Les photographes de rues sont présents partout dans le monde. Au Mexique, on en compte alors plus de 10000. Ainsi, nous en rencontrons en France jusqu'en dans les années 1970. Dans les pays comme la Grèce, l'Inde, la Turquie ou encore en Amérique du Sud ou en Afrique, ils perdurent plus longtemps en adoptant parfois le polaroid. Ils sont alors nommés Polaroideros. Cette technique chère est peu rentable. Ainsi, certains comme Constantin propose la couleur avec les films 135 classiques en demandant aux sujets de bien vouloir revenir quelques jours plus tard, le temps du développement du film. Autant dire que ce délai offre peu d'intérêt et est un frein à la spontanéité du moment. Aujourd'hui, avec l'arrivée du numérique et surtout du téléphone photo que tout le monde possède, ces experts ne trouvent plus de clientèle et ne sont visibles qu'en de rares occasions. Si il nous arrive parfois d'en voir sur quelques sites touristiques, le métier est bel et bien mort.

 

A ce jour, nous pouvons plus facilement voir une démonstration lors d'un événement. En France, il y a quelques personnes qui pratiquent pour l'occasion. Il n'est pas impossible d'en voir plus qu'hier avec le retour grandissant des pratiques photographiques artisanales et avec un papier positif direct enfin disponible depuis quelques années. Un ami a aperçu (avril 2012) un jeune espagnol proposer des portraits minutes sur la grande place de Madrid avec ce fameux papier Harman. Ah aussi! Saviez-vous comment l'on nomme les photographes ambulants au Brésil? Les Lambe-lambe car ils ont pour l'habitude de lécher (lambe) le papier négatif pour l'apposer sur la plaquette support pour en tirer le positif!

 

Aujourd'hui, ces chambres de foire n'ont que peu de valeur alors qu'elles ont fait la fortune de leurs propriétaires. Uniques, ressemblantes à aucune autre, elles sont le témoin et l'objet d'un pan de l'histoire de la photographie. Nous pouvons en découvrir de nombreuses au Musée Nicéphore Niépce à Chalons sur Saône où une salle est entièrement consacrée. La bibliographie sur le sujet se résume très vite avec notamment l'excellent ouvrage de Zilmo de Freitas et Patrick Ghnassia avec Photographies de Rue - Street Photographers - Minuteros (2001) et des livres étrangers tel !El que se mueve, no sale! Fotografos Ambulantes de Pablo Méndez & Héctor Vélez sur les photographes de rues du Mexique (1989) ou Los Ambulantes : The Itinerant Photographers of Guatemala de Avon Neal & Ann Parker (1982) ou encore Smudgers - Street photographers de Chris Wroblewski (2003).

 

Si toutefois, vous désirez en savoir plus et assister à une démonstration ou créer l'événement. Faite nous en part, ce sera avec honneur de rendre hommage à ces milliers d'artisans anonymes qui ont offert tant d'images dans nos albums de familles. Portret minut este portretul unei vieţi - Mulƫumesc Constantín !

 

Position pour la prise du vue du négatif afin de créer le positif

 

Mise au point au travers de la manche de pantalon

Prendre le tiroir de fourneau et admirer le résultat

Premiers essais "Vue de la fenêtre"

 

Olivier, créateur de fond

Positionnement du négatif sur le planchette

Positif issu d'un négatif avec masque

 

 

 

 

 

Portrait à la de chambre minute

 

Photographie du négatif pour obtenir le positif

Négatif et positif

 

 

 

 

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Texte © Vincent MARTIN

Photographies © Vincent MARTIN, © Sandrine BACOT, © Constantin TANASE, © Les membres d'Argentik73 lors du Printemps de La Ravoire 2012