Minuteros et photographes de rue La photographie de rue d'une époque pas si lointaine - Stage/Démo/Conférence - Performance
Ce chapitre de la photographie est souvent méconnu alors qu'un grand nombre de photographies ont été réalisé à partir de ces chambres laboratoires. J'organise avec une chambre ayant appartenu à un photographe de métier (sur 3 générations) démonstrations, stages, conférences et pourquoi pas performances. La redécouverte de ces gestes historiques peuvent aussi faire l'objet d'un projet pédagogique/démonstratif.
Après quelques renseignements, j'avais pris connaissance que le grand parc de la capitale roumaine, le parc Cişmigiu était le lieu des promeneurs, des amoureux et des minuteros. Ainsi, après avoir découvert différentes régions de ce fabuleux pays habité par des personnes d'une gentillesse remarquable, l'objectif était donné. Nous avions réservé tout un dimanche pour l'occasion! Légers comme la lumière, nous déambulions dans le parc, observions les oiseaux, les jeunes amoureux, les enfants jouer. Alors que 15h sonnait, nous n'avions toujours pas vu un seul minutero même sur les lieux indiqués par les habitués. Ce jour-là, nous hébergions chez Cézar, un très bon ami roumain qui nous précisa malheureusement qu'il n'y en avait plus hormis peut-être pour le 15 août et certains jours fériés. Un peu surpris par la nouvelle, nous repartîmes le lendemain au parc tous ensemble. Parfaitement bilingue, Cézar appris qu'il en restait un dans la partie Est du Parc. Il ne fallait pas nous en dire plus pour changer d'allure!
Arrivés sur les lieux, nous vîmes un homme posé sur un banc, seul, accompagné d'un vieux Bambi usé jusqu'à la peau. Pas bavard ce brave homme ! Néanmoins après quelques échanges, c'était bien un ancien minutero. Malheureusement, suite à un accident de santé lui interdisant tout effort, il se trimballait depuis quelques années avec un réflexe. C'était moins lourd à porter et permettait d'offrir la couleur, en contre partie le client devait accepter de récupérer les tirages 3 jours plus tard. Par le biais de Cézar, je manifestai l'envie de voir la chambre authentique. Un rendez-vous est alors posé dans 4 jours! Yes!
C'est au huitième étage d'un immeuble que nous découvrons la chambre rouge. Dans une bonne ambiance et malgré notre pauvre vocabulaire, le photographe Constantin Tanase nous présenta sa chambre photographique. Il refit en notre présence tous les gestes comme s'il était au parc Cişmigiu ; la mise au point du sujet, la prise de vue avec l'obturateur au bouchon, le développement du négatif, la prise de vue du négatif pour en obtenir le positif. Nous percevons la dextérité des manipulations dans le volume exiguë de la boite et aussi le beauté du geste mille fois répété. Faut dire que Constantin est photographe de rue depuis trois générations de père en fils et à priori toujours au même endroit dans le parc roumain. Il fut même imagé sur une carte postale du parc! Il présenta aussi des masques afin de créer des cadres et des feutres bleus pour donner des teintes sur les visages (le papier n'étant pas sensible au rouge et peu à la couleur de la peau). Des infos et des discussions passionnantes avec beaucoup de rire entre nos langues improvisées et autant par nos incompréhensions.
Chambre laboratoire et mode opéatoire Si il y a eut par le passé quelques exceptions européennes dont le célèbre Cartophote de Gilles Faller (1928), les chambres de rue sont toutes, depuis l'usage du papier gélatiné, de conception maison. La caractéristique de ces boites est d'accueillir un laboratoire à l'intérieur. Ainsi, elles sont constituées de la manière suivante : au centre, un appareil photo tel un folding démodé et récupéré, un support de papier avec un verre dépoli monté sur un axe mobile pour permettre la mise au point - sur le coté droit une petite boite pour stocker le papier vierge - au bas, un petit bac de révélateur et un tiroir (de fourneau) pour le fixateur - à l'arrière une large ouverture ronde prolongée par une manche de pantalon afin de passer le bras tout en préservant des entrées de lumière - sur le dessus, une petite fenêtre occultable munie d'un verre rouge et d'un masque occultable épousant parfaitement le haut de la tête du photographe afin de contrôler les opérations de développement - sur le devant extérieur, une simple planchette montée sur tige comme portoir de négatif et sur les côtés un joli miroir pour se faire beau avant le portrait et des portraits affichés pour se faire de la pub!
Les utilisateurs de chambres photographiques retrouveront bons nombres d'étapes. Dans l'ordre - Préparer le laboratoire : garnir la chambre de papier vierge, remplir les bacs de révélateur et de fixateur - Créer le négatif : faire la mise au point et verrouiller la coulisse, remettre le bouchon, insérer un papier vierge dans son support, enlever le bouchon le temps de l'insolation (une ou deux secondes en plein soleil), placer le papier insolé dans le bain de révélateur, vérifier l'apparition de l'image en plaquant le visage sur le masque tout en ouvrant la fenêtre rouge, placer l'image dans le bain de fixateur puis tirer le tiroir pour voir le résultat, attendre les deux minutes de fixage et laver dans le sceau d'eau - Créer le positif : lever et bloquer le support devant l'objectif, placer le négatif sur le support (l'humidité permet de maintenir le papier en place), éventuellement placer un masque sur le négatif, mettre une feuille de papier vierge sur le dépoli, déplacer la coulisse jusqu'à la butée (mise au point automatique sur la planchette portant le négatif), exposer quelques secondes (3 à 10 selon conditions), placer le papier insolé dans le révélateur puis le fixateur, ouvrir le tiroir et admirer le positif sans oublier de le laver à l'eau claire.
Histoire de la photographie de rue
A ce jour, nous pouvons plus facilement voir une démonstration lors d'un événement. En France, il y a quelques personnes qui pratiquent pour l'occasion. Il n'est pas impossible d'en voir plus qu'hier avec le retour grandissant des pratiques photographiques artisanales et avec un papier positif direct enfin disponible depuis quelques années. Un ami a aperçu (avril 2012) un jeune espagnol proposer des portraits minutes sur la grande place de Madrid avec ce fameux papier Harman. Ah aussi! Saviez-vous comment l'on nomme les photographes ambulants au Brésil? Les Lambe-lambe car ils ont pour l'habitude de lécher (lambe) le papier négatif pour l'apposer sur la plaquette support pour en tirer le positif!
Si toutefois, vous désirez en savoir plus et assister à une démonstration ou créer l'événement. Faite nous en part, ce sera avec honneur de rendre hommage à ces milliers d'artisans anonymes qui ont offert tant d'images dans nos albums de familles. Portret minut este portretul unei vieţi - Mulƫumesc Constantín !
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------------------------------------------ Texte © Vincent MARTIN Photographies © Vincent MARTIN, © Sandrine BACOT, © Constantin TANASE, © Les membres d'Argentik73 lors du Printemps de La Ravoire 2012
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